CROSS 2023

Thème : Crise

iStock, credits: Bulat Silvia
iStock image, credits: Bulat Silvia

Il semble que le mot « crise » apparaisse presque quotidiennement dans les médias, que ce soit en référence au climat ou aux catastrophes naturelles, aux conflits politiques ou à l’aide humanitaire, à la sécurité numérique et à la vie privée, à la finance et aux problématiques socio-économiques, ou encore à notre santé physique et mentale. Lorsqu’un problème est élevé au rang de crise, c’est en raison à la fois de son intensité et de son urgence, qui nécessitent une prise de décision et une action immédiate.

Comme les crises sont souvent dues à plusieurs facteurs de natures différentes, une approche interdisciplinaire est essentielle. Cette dernière aide à mieux comprendre les origines des crises et permet de développer des solutions potentielles.

L’édition 2023 du programme CROSS a donc invité les chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Lausanne à soumettre des propositions de projets communs qui associent les sciences naturelles et l’ingénierie aux sciences sociales et humaines pour se pencher sur des situations actuelles de crise.


Projets retenus 2023:

  • Daniel PROBST, EPFL (STI)
  • Michael PIOTROWSKI, UNIL (SLI, FL)

Dans des circonstances normales, la recherche de pointe présente peu d’intérêt pour le grand public. Cependant, pendant la crise COVID-19, les médias ont commencé à faire état de résultats partagés dans des prépublications non révisées par des pairs, et les profanes ont commencé à les lire, les partager et les commenter dans les médias sociaux. En combinant des approches de la science des données, de l’apprentissage automatique, des humanités numériques et de l’histoire, ce projet vise à étudier les mécanismes de circulation de l’information dans cette crise particulière et à la comparer aux crises historiques. L’objectif ultime est de développer une méthodologie générale qui pourra guider le traitement des
informations scientifiques non évaluées par des pairs et informer la communication des informations scientifiques au public et aux autorités pendant les crises.

Début 2021, une importante contamination des sols aux dioxines est découverte à Lausanne. Elle serait due à un ancien incinérateur d’ordures ménagères qui a fonctionné de 1958 à 2005. Cet épisode illustre le fait que de nombreuses pollutions industrielles, passées ou présentes, peuvent rester invisibles durant des décennies, continuant ainsi à exercer leurs effets néfastes sans susciter l’intervention des autorités publiques pour protéger les populations. Sur la base d’une approche interdisciplinaire, ce projet propose de retracer l’histoire de la pollution lausannoise dans le but d’améliorer son suivi en matière de santé publique. Il mobilisera les outils et les méthodes propres à la toxicologie, à la chimie environnementale, à l’histoire et à la sociologie politique afin de réunir des données portant à la fois sur la spécificité de cette pollution (ampleur, causes possibles, ancienneté) et sur sa non-constitution en tant que problème public. La complémentarité de ces recherches permettra de proposer des solutions pratiques pour renforcer la surveillance de la pollution environnementale, et d’élaborer un cadre d’analyse transposable à d’autres cas.

> Rapport de recherche: Socio-histoire de l’incinérateur du Vallon (1958-2005)

Avec notre partenaire de l’UNIL, le projet vise à développer et à appliquer une approche de prise de décision multicritères utilisant la télédétection et le SIG pour évaluer les impacts de la sécheresse sur la santé des légumes. Deux zones ayant des taux de production agricole historiquement élevés mais sujettes à des catastrophes dues à la sécheresse ont été sélectionnées : Le district de Murehwa, province de Mashonaland East, Zimbabwe, Afrique australe et le comté de West Pokot, région occidentale du Kenya, Afrique de l’Est. Nos résultats seront diffusés dans des ateliers, des actes de conférence et des revues à code source ouvert.

Le changement climatique entraîne une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur à l’échelle mondiale. Ces changements dans les vagues de chaleur représentent une crise mondiale qui pourrait être atténuée par des alertes préalables suffisantes pour les parties prenantes concernées. L’objectif du projet HEATaware est d’évaluer le potentiel des prévisions et des alertes de canicule en Suisse sur des échelles de temps allant jusqu’à plusieurs semaines, y compris une évaluation des avantages potentiels de ces alertes pour les secteurs qui sont directement liés aux vies humaines et aux moyens de subsistance, en mettant l’accent sur la santé humaine et les environnements alpins. Les alertes à la canicule pourraient aider à préparer les zones de haute altitude dans les domaines du tourisme, des infrastructures, de la gestion de l’énergie hydroélectrique et des alertes aux risques naturels, tandis que le centre de la Suisse pourrait grandement bénéficier d’alertes à la canicule qui protègent la santé humaine. L’objectif global de cette collaboration à l’échelle de la Suisse est d’utiliser les compétences disponibles en matière de prévision des vagues de chaleur pour évaluer dans quelle mesure des alertes continues aux vagues de chaleur sur des échelles de temps de quelques jours à quelques semaines sont possibles et bénéfiques en ce qui concerne les impacts sur les régions de montagne et les zones de basse altitude, en réunissant des experts en matière de prévision des vagues de chaleur, d’impacts sur la santé humaine, de dangers en haute altitude et d’alertes météorologiques.

Le changement environnemental mondial, en particulier la hausse des températures, entraîne le recul et la disparition des glaciers alpins, ce qui pourrait générer des effets catastrophiques. Le récent rapport du GIEC souligne à quel point les glaciers sont importants et uniques dans le maintien des équilibres écologiques et humains. Menacés, ils constituent un motif de préoccupation majeur. On pourrait parler de situation de crise pour les écosystèmes que ces environnements glaciaires abritent. Cependant, les conséquences du recul des glaciers sur les écosystèmes sont encore mal connues et difficiles à mesurer, ce qui rend ardue la compréhension de la situation de crise actuelle et l’exploration de solutions potentielles. Il est donc essentiel de comprendre et de surveiller les changements dans la biodiversité de ces environnements glaciaires qui reculent et évoluent rapidement afin de développer des solutions pour anticiper l’impact du recul des glaciers sur les systèmes socio-écologiques. Nous proposons d’utiliser les progrès des systèmes de robots captifs pour développer un outil de surveillance permettant de recueillir des données sur la biodiversité de ces environnements inhospitaliers en toute sécurité. Ces robots captifs traversent des systèmes de cordes (déployés manuellement ou par des robots). En ajoutant des caméras et des collecteurs d’échantillons (pour les insectes et les feuilles de plantes), des données peuvent être recueillies dans des environnements extrêmement difficiles et escarpés. Ce système nous permettra de surveiller la biodiversité dans des pentes récemment sans glace et des surfaces de glacier auparavant inaccessibles, et de collecter des données beaucoup plus importantes à des échelles temporelles et spatiales afin d’améliorer notre compréhension des changements de la biodiversité dans ces écosystèmes clés.

  • Florence GRAEZER BIDEAU, EPFL (CDH)
  • Michel JABODEYOFF, UNIL (FGE, ISTE)

Les instruments normatifs internationaux et les décideurs politiques font de plus en plus référence à la relation entre le patrimoine, matériel et immatériel, et la crise. Le patrimoine est ici considéré à la fois comme étant menacé et comme un outil puissant de récupération et de résilience. Englobant la “culture locale du risque”, à savoir le savoir-faire des populations locales développé pour faire face aux crises et vivre dans un environnement hostile, le patrimoine culturel immatériel est considéré comme une ressource pour les générations futures et une source d’inspiration à intégrer à l’innovation technologique et à la recherche scientifique.

Ce projet se concentre sur la gestion des risques d’avalanche, inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2018 par la Suisse (en collaboration avec l’Autriche) et vise à décortiquer l’idée d’une culture de la gestion du risque. Les avalanches n’étant pas régulièrement vécues par une communauté donnée au sein d’une même génération, cette communauté partage une culture du risque qui consiste à faire face au danger, souvent dans une situation de dissonance cognitive. Ceci est cependant différent d’une culture de la gestion du risque. Nous voulons comprendre comment cette culture de la gestion du risque est produite : est-elle “naturellement” suscitée dans l’interaction sociale, ou est-elle déclenchée de manière proactive par la communication et la sensibilisation ? Comment les intérêts individuels ou collectifs, associés notamment à l’industrie du tourisme, façonnent-ils les perceptions de la vulnérabilité et de la résilience ? Ces questions ont une pertinence plus large et sont particulièrement d’actualité aujourd’hui, alors que les catastrophes naturelles pourraient devenir la nouvelle normalité.