Bioethanol

Les filières de production de bioéthanol

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Le bioéthanol est en fait de l’alcool éthylique (ou encore éthanol), identique par sa composition à l’alcool de bouche. Il existe deux façons principales de produire de l’éthanol, à savoir par synthèse à partir de d’hydrocarbures et à partir de biomasse. Seule cette deuxième façon de procéder mérite l’appellation «&nbspbioéthanol ».

Là également, l’idée d’utiliser ce liquide comme carburant n’est pas nouvelle. Henry Ford, au début du XXème siècle, avait imaginé utiliser de l’éthanol pour alimenter ses légendaires « Ford T ».

Tous les sucres fermentescibles (glucose, saccharose, etc.) peuvent être transformés en éthanol par fermentation. Comme le montre la figure, ces sucres sont présents dans un état plus ou moins polymérisé dans de nombreuses espèces du monde végétal comme la betterave à sucre, la canne à sucre, le blé, le maïs, la pomme de terre, mais également dans l’herbe ou encore le bois. Des déchets tels que le petit lait ou le vieux papier peuvent également être transformés en bioéthanol.

Sur le plan historique, la production d’éthanol à partir de biomasse s’est souvent vue limitée (pour des raisons d’ordre technique) à la conversion en alcool de sucres simples directement disponibles sous forme soluble (canne à sucre, betterave, fruits). Ces sucres étant comestibles, leur valeur relative a tendance à être supérieure à celle du reste de la plante qui est en général impropre à la consommation et souvent considéré comme déchet. De nouvelles technologies ont cependant vu le jour afin de permettre la transformation de la biomasse lignocellulosique (herbe, bois, écorce, tige, feuilles, pulpe de papier, etc.) en bioéthanol. Cette distinction est en effet particulièrement significative. A titre d’exemple, si un hectare de canne à sucre produit environ 25 tonnes de sucres simples et 8 tonnes de molasses, il produit également de 50 à 60 tonnes de biomasse non comestibles mais cependant potentiellement convertibles en éthanol. Ces quelques remarques mettent en évidence l’intérêt que représente aujourd’hui la biomasse lignocellulosique en termes d’accessibilité financière et de disponibilité mais également en ce qui concerne la compétition potentielle avec l’alimentation. Etant donné le prix actuel du pétrole et la difficulté du monde politique à implémenter une certaine forme de taxe sur le CO2, le bioéthanol risque fort de continuer à subir la loi des carburants fossiles tant que des réductions sensibles des coûts ne pourront être réalisées. Dans une telle optique, la biomasse lignocellulosique offre sans nul doute les meilleures perspectives en termes de réduction des coûts de production à moyen voire court terme, par son abondance et son prix potentiellement inférieur aux autres substrats, ce malgré la complexité accrue des procédés de transformation en alcool.

Suivant l’état de polymérisation, ces sucres doivent subir un (ou plusieurs) traitement(s) préalable(s) (hydrolyse), dont le but est de transformer les chaînes de polymères dont la structure est complexe, en sucres simples fermentescibles. Après fermentation à l’aide de micro-organismes (levures, bactéries, etc.), l’éthanol est recouvré par distillation (éthanol hydraté à 96% vol.), puis par déshydratation (éthanol anhydre à 99,7% vol.).

 

 

Avantages liés à l’utilisation du bioéthanol

  • Dépendance réduite vis-à-vis des sources d’énergie étrangères
    – Embargos pétroliers
    – Chocs pétroliers de 1974 et 1979
    – Guerre du Golfe, etc.
  • Amélioration de la balance des paiements pour les pays net importateurs de pétrole brut
  • Promotion d’un développement social et économique durable
    – Diversification des activités agricoles
    – Création ou maintien d’emplois
    – Réduction des surcapacités (USA, EU)
  • Réduction de l’impact environnemental

Les fondements de la production de bioéthanol

L’éthanol peut être produit à partir de « biomasse lignocellulosique » telle que le bois ou encore l’herbe. La matière lignocellulosique constitue une ressource abondante et bon marché, car elle ne peut pas être digérée par l’homme, et de ce fait, n’entre pas en compétition avec la nourriture. Cependant, son incapacité à être digérée rend également sa conversion en sucres fermentescibles difficile.

Pour la grande majorité des espèces végétales, la biomasse est composée essentiellement de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. Les molécules de cellulose, constituant majoritaire des parois cellulaires chez la plupart des plantes, se présente sous la forme de longues chaînes de molécules de glucose (un monosaccharide à 6 atomes de carbone ou hexose), organisées en faisceaux cristallins. Ces molécules de cellulose sont reliées entre elles au moyen d’une autre molécule, l’hémicellulose, qui se présente quant à elle sous la forme d’une chaîne de sucres à 5 atomes de carbone ou pentose (principalement du xylose). Grâce à une réaction d’hydrolyse, la cellulose et l’hémicellulose peuvent libérer ces sucres simples (monosaccharides) qui sont ensuite convertis en éthanol par fermentation. La lignine, enfin, effectue la liaison entre les faisceaux de cellulose et confère à la plante sa structure particulière. Cette dernière n’est pas convertie en éthanol. Les proportions de chacun de ces constituants peuvent varier de manière considérable selon le type de biomasse envisagé. La figure ci-dessous propose une vue d’ensemble de la structure de la biomasse lignocellulosique.

Les proportions de chacun de ces constituants peuvent varier de manière considérable selon le type de biomasse envisagé. Le tableau ci-dessous indique à titre informatif les teneurs moyennes (en pourcentage de la matière sèche) en cellulose, hémicellulose et lignine de divers types de biomasse lignocellulosique.

Biomasse

Cellulose

Hémicellulose

Lignine

Herbe

30-50 %

15-40 %

05-20 %

Bagasse

40-55 %

25-40 %

05-25 %

Bois dur

40-50 %

20-30 %

15-30 %

Bois tendre

40-55 %

10-15 %

25-30 %

Résidus agricoles

30-40 %

10-40 %

10-30 %

Moyenne

40-60 %

20-40 %

10-25 %

Suivant leur état de polymérisation, ces sucres doivent subir un (ou plusieurs) traitement(s) préalable(s) (hydrolyse), dont le but est de transformer les polymères en sucres simples fermentescibles. Après fermentation à l’aide de micro-organismes (levures, bactéries, etc.), l’éthanol est recouvré par distillation tout d’abord (éthanol hydraté à 96% vol.), puis par déshydratation (éthanol anhydre à 99.7% vol.). A titre d’exemple, l’hydrolyse de la cellulose en glucose (resp. de l’hémicellulose en xylose) et la fermentation en éthanol sont présentées sur la figure ci-dessous.

Utilisation du bioéthanol

L’usage du bioéthanol pur dans des véhicules de série n’est pas possible, les caractéristiques de l’alcool étant trop éloignées de celles de l’essence. Son utilisation nécessite donc certaines précautions et il s’agit d’avoir recours à diverses solutions d’utilisation (mélange à faible taux de bioéthanol avec de l’essence ou du diesel, usage de véhicules spéciaux, etc.). L’imagination des scientifiques n’ayant pas de limite dans ce domaine, seule une liste non-exhaustive des filières les plus probables est présentée ici.

Ethanol hydraté

Cette solution offre la possibilité d’utiliser directement du bioéthanol hydraté, plus facile et donc aussi moins cher à produire. Les moteurs (essence ou diesel), dans ce cas, doivent être légèrement modifiés, ou mieux encore, directement conçus à cet effet. Il s’agit de la solution retenue au Brésil pour les véhicules 100% éthanol ainsi qu’en Suède pour les bus développés par Scania (plus de 400 en circulation à ce jour) à partir de moteurs diesel. Dans ce dernier cas, le taux de cétane de l’éthanol étant relativement bas, le fonctionnement à froid pose quelques problèmes. Les solutions alors envisageables comprennent l’adjonction d’une bougie d’allumage ou encore celle d’un additif. C’est en effet cette dernière solution qui a été retenue en Suède, le désavantage principal de ce produit étant son coût, de l’ordre de 2.00 CHF/kg, ce qui renchérit le coût du mélange d’environ 0.10 CHF/litre.

Ethanol anhydre en mélange avec de l’essence conventionnelle

Cette variante dépend essentiellement du pourcentage d’éthanol dans l’essence :

  • De 0 à 85%, il existe la solution des “flexible fuel vehicles” (FFVs) qui peuvent utiliser indifféremment de l’éthanol ou de l’essence, dans le même réservoir. Il s’agit de véhicules spéciaux, dont il existe au moins une dizaine de modèles différents aux USA. En Europe (Suède), seul Ford propose deux modèles de FFV, la Ford Taurus et la Ford Focus. La Ford Taurus est un modèle relativement luxueux de berline (3 litres de cylindrée), ayant un très mauvais rendement dans sa version de base à essence (plus de 13 l/100 km), donc très loin de l’idéal européen de la voiture économique et respectueuse de l’environnement. Ford propose également un modèle de Ford Focus FFV, spécialement pour l’Europe. Ce véhicule, disponible sur le marché (du moins en Suède) depuis 2002, est vendu 1’000 CHF moins cher que son homologue à essence. Au stade de développement actuel de ces modèles, un véhicule FFV consomme en moyenne 28% (vol.) de plus qu’un modèle similaire à essence. L’explication de cette surconsommation est dans ce cas également liée au fait qu’il s’agit d’un moteur à essence adapté pour fonctionner avec de l’alcool, et non d’un moteur spécifique à l’utilisation d’éthanol (l’éthanol pourrait théoriquement, par sa nature anti-détonante, autoriser des taux de compression plus élevés, donc des rendements supérieurs).

  • Le Brésil utilise un mélange à hauteur d’environ 24% dans les véhicules à essence, sans modification du moteur si ce n’est au niveau de la compatibilité des matériaux utilisés qui devient capitale à un tel taux d’alcool.

  • Les USA et la Suède, enfin, préconisent un mélange à hauteur de 5-10% d’éthanol, sans modification de moteur. Afin d’éviter les problèmes de démixtion, le mélange est souvent effectué le plus en aval possible, c’est à dire à la pompe à essence même (“splash blending”). Les brésiliens, au contraire, préparent le mélange directement au dépôt. Cette technique sera bientôt également utilisée en Suède. Actuellement, la quasi totalité des voitures vendues sur le sol des Etats-Unis, y compris les modèles européens et japonais, ont une garantie des fabricants pour l’utilisation de l’éthanol jusqu’à hauteur d’au moins 10%. Officiellement, ceci n’est pas le cas en Europe. Sous la pression des suédois (bénéficiant d’un parc conséquent de véhicules voulant rouler à l’éthanol), la majorité des constructeurs ont cependant accordé par écrit une garantie pour fonctionner avec un mélange allant de 5 à 15% d’éthanol. De telles garanties ont déjà été obtenues pour la Suisse, par Alcosuisse, de la part des constructeurs Toyota, Ford, Opel, Volvo, Honda, Audi, Peugeot, Citroën et Renault.

  • A noter que pour des raisons purement légales de compatibilité avec les normes européennes, le taux maximum d’alcool en mélange à de l’essence sans plomb en Europe est fixé à 5%. Ainsi, le mélange suédois a été réduit à seulement 5% en l’an 2000. Dans ce cas, l’alcool est considéré comme un additif. L’utilisation de l’essEnce5 ne nécessite aucune modification des moteurs. La maintenance reste standard, avec cependant un contrôle périodique du filtre à essence et de l’aspect visuel de l’huile du moteur.

Un problème important lié à l’utilisation d’éthanol en mélange à faible taux d’incorporation (5-10%) est l’augmentation de la pression de vapeur (ou volatilité). Les conséquences en sont une augmentation des émissions par évaporation, et un risque de formation de bouchon de vapeur par temps très chaud et en haute altitude (typiquement lors de l’ascension d’un col en pleine chaleur). Actuellement aux USA, une dérogation à ces valeurs limites de pression de vapeur (ces valeurs, pour l’essence, varient d’une région à l’autre et d’une saison à l’autre) existe pour les biocarburants. Cette dérogation risque d’être supprimée dans un avenir proche. Au Brésil, ces limitations ne sont actuellement pas prises en compte. A noter que cela est l’un des arguments majeurs des pétroliers français pour favoriser l’ETBE, ce produit ayant une volatilité relativement faible. Pour palier à ce problème, il convient d’utiliser une essence de base peu volatile ou des additifs permettant de diminuer la pression de vapeur du mélange.

Ethanol déshydraté en mélange avec du diesel

Cette filière permet d’exploiter également l’utilisation d’éthanol dans des moteurs diesel non modifiés. Compte tenu de l’importance quantitative de ce genre de véhicules, notamment pour des flottes captives, cette solution semble également prometteuse :

  • Ethanol mélangé à hauteur de 3%, sans modification moteur ni additif. Cette pratique est actuellement testée entre autre au Brésil. Le bon fonctionnement du mélange dépend fortement de la qualité du diesel.

  • Ethanol mélangé à hauteur de 10-15%, sans modification moteur mais en présence d’un solubilisant permettant d’obtenir un mélange stable et d’empêcher la séparation avec l’eau. Cette solution est actuellement testée en Suède (10 autobus) ainsi qu’au Danemark depuis environ 2 ans dans des conditions de fonctionnement normales.

Cette variante s’applique donc strictement aux véhicules diesel, sans modification du moteur. Le désavantage majeur de cette filière est qu’il s’agit encore d’une phase pilote. A noter que les communes de Vevey et Delémont expérimentent actuellement déjà cette solution. Comme il s’agit d’une technique relativement nouvelle, un suivi sérieux doit être mis en place.

ETBE

L’éthyl-tertio-butyl-éther (ou ETBE) est obtenu par transformation de l’éthanol déshydraté par voie de réaction chimique avec l’isobutène. L’ETBE contient environ 47% d’éthanol en masse. Ses propriétés (niveau d’octane élevé, faible pression de vapeur, tolérance parfaite à l’eau) en font un carburant particulièrement apprécié par les raffineurs, comparables au MTBE, additif d’origine fossile et largement utilisé dans le monde. Cette technique a été initiée par la France, à hauteur de 10-15 % d’ETBE dans l’essence. L’Espagne, la Hollande et l’Italie, qui se sont par la suite également lancés dans la filière “bioéthanol”, ont initialement opté pour cette même solution. L’ETBE est ainsi actuellement la filière d’utilisation du bioéthanol la plus largement développée en Europe. A sa défaveur, la production d’ETBE nécessite des infrastructures et surtout une matière première (le naphta) que seules les grandes raffineries pétrolières peuvent aujourd’hui s’offrir à un coût acceptable. Les pétroliers suisses contactés ne sont actuellement pas favorables à cette option, du fait de la faible demande potentielle d’ETBE en Suisse et du manque de naphta. De plus, les USA parlent également d’interdire cette substance, par crainte des effets nuisibles des éthers. A noter par ailleurs que la grande majorité des unités à mettre en service prochainement en Espagne et en France recourront au mélange direct.

Estérol

Il existe encore d’autres filières d’utilisation du bioéthanol comme carburant. L’une d’elle, en phase de test en Suède et aux USA est l’Estérol. Il s’agit d’un mélange de bioéthanol et de biodiesel. Ce carburant est prévu pour fonctionner dans des moteurs diesel. Il doit combiner les avantages du bioéthanol et du biodiesel ; moins d’émissions, réduction des gaz à effets de serre, meilleure densité énergétique que l’éthanol, prix compétitif, pas de modification du moteur. Par ailleurs, cette filière devrait permettre de réduire les émissions de manière encore plus sensible en utilisant un catalyseur deux voies.

Les grands chiffres du bioéthanol

  • Pouvoir calorifique : 21.3 MJ/l (essence : 32.0 MJ/l)
  • Coût de production : 0.40-0.70 CHF/litre
  • Utilisation :
    – Ethanol hydraté dans des moteurs à éthanol
    – Ethanol anhydre (0-24%) mélangé à de l’essence dans des moteurs traditionnels
    – Ethanol anhydre (0-85%) dans des “Flexible Fuel Vehicles”
  • Production mondiale (2000) : 20 milliards de litres par an
  • Suisse : Attisholz Holding AG (11 millions de litres par an)

De grands bénéfices pour l’environnement

La réduction de la consommation d’énergie primaire non renouvelable représente une économie de 0.7-1.0 litre de pétrole par litre de bioéthanol incorporé à l’essence traditionnelle, à prestation équivalente.

De manière similaire, la réduction des émissions de gaz à effet de serre représente une économie de 2.0-2.4 kg CO2 eq. par litre de bioéthanol incorporé à l’essence traditionnelle, à prestation équivalente.

Par ailleurs, l’amélioration de la combustion liée à la présence d’éthanol se traduit par une réduction des émissions de CO, HC, SOx et de benzène.

 

 

Plateforme Biocarburants

Pour des informations complémentaires, consulter le site de la Plateforme Biocarburants (disponible aussi en anglais)

Information :

Dr. Edgard Gnansounou
GR-GN / IIC / ENAC
Station 18 EPFL
CH 1015 Lausanne
Tél. : 021 / 693 0627
Arnaud Dauriat
ENERS Energy Concept
Case Postale 56
EPFL, CH 1015 Lausanne
Tél. : 076 / 425 9977