De la décoration par les ombres

Traduction de mĂ©thodes picturales dans l’architecture française des XVIIIĂšme et XIXĂšme siĂšcles.

Laura Trazic, architecte Dr. EPFL, defended Ph.D (2021)

10 FĂ©vrier 2019. Ceci donne la position des ombres Ă  10h sur la façade de la cour intĂ©rieure du Palazzo Abatellis Ă  Palermo. (c) Laura Trazic

Dans la tradition vitruvienne, l’ornement est classĂ© en deux catĂ©gories, entre ceux qui appartiennent aux ordres et ceux qui en sortent. Si de lacunaires informations sont fournies par Vitruve et Alberti pour dĂ©terminer le relief des premiers, celui des seconds reste ignorĂ©, ouvrant ainsi le champ Ă  la licentia. Le potentiel positif de celle-ci va cependant de pair avec une forme de pĂ©ril engendrĂ© par la fantaisie, voire le caprice, que le « bon goĂ»t » du XVIIIĂšme siĂšcle français Ă©choue Ă  pleinement contrĂŽler.

La thĂšse examine comment, pour justifier du relief des ornements, la discipline s’est intĂ©ressĂ©e aux ombres qu’ils projettent sur la façade. Cette intĂ©gration de l’ombre ne se fait pas de maniĂšre spontanĂ©e, mais intervient Ă  une pĂ©riode oĂč la peinture est une grande ressource pour les arts. Le pittoresque apparaĂźt comme un objectif esthĂ©tique permettant d’établir les dĂ©marches restrictives nĂ©cessaires face aux excĂšs ornementaux. Le phĂ©nomĂšne naturel de l’ombre est alors Ă©levĂ© au rang d’attribut architectural selon des mĂ©thodes picturales relevant de la thĂ©orie du clair-obscur, et dont le transfert se trouve facilitĂ© par une appropriation graphique et sĂ©mantique.

L’analogie qui naĂźt ainsi dans la thĂ©orie de l’architecture entre la composition du tableau par les ombres et celle des façades ne reste pas mĂ©taphore morte. Elle vise Ă  une application concrĂšte, avec tous les enjeux que cela implique, et toutes les difficultĂ©s propres Ă  une discipline dont les productions se dĂ©ploient dans le temps et dans l’espace.