Abandonner pour mieux se réorienter: les parcours d’études après l’EPFL

Le système suisse d’enseignement supérieur se caractérise par un accès sans examens d’entrée, une grande qualité de l’enseignement et  pour une grande flexibilité, qui permet aux étudiantes et étudiants de se réorienter à chaque stade de leur formation. L’accès à une haute école universitaire est garanti à toutes les étudiantes et étudiants avec une maturité gymnasiale suisse. Contrairement au sentiment général, le libre choix de discipline ne se traduit pas par un taux d’abandon élevé. La grande majorité des personnes qui débutent leurs études à l’EPFL obtiennent un diplôme tertiaire dans les 8 ans qui suivent.

 

Huit ans après leur première immatriculation à l’EPFL, seules 8% des étudiantes et étudiants ayant obtenu leur maturité en Suisse ont abandonné définitivement le système de formation tertiaire. Cette data story présente un état des lieux des plus de 1000 personnes avec une maturité gymnasiale suisse qui débutent leurs études de bachelor à l’EPFL chaque année. En particulier, elle montre les raisons des abandons à l’EPFL après la première année, mais aussi le parcours de formation après avoir quitté l’EPFL.

Les abandons à l’EPFL

La réduction du nombre d’abandons des études est une priorité pour toutes les hautes écoles suisses. Un taux élevé d’abandons n’est pas souhaitable, car il introduit des inefficacités tant au niveau sociétal (coûts de formation, coûts d’opportunité) qu’individuel. Réduire le taux d’abandons sans pour autant abaisser la qualité de la formation est d’ailleurs un objectif du plan stratégique du Domaine des EPF pour la période 2025-2028.

Dans les cohortes entre 2016 et 2020, environ 17% des étudiantes et étudiants de l’EPFL avec une maturité suisse ont abandonné leurs études après la première année, à la fin du cycle propédeutique.* Ces personnes se réorientent, en grande majorité, vers une autre filière en Suisse.

Le taux d’abandon est identique chez les femmes et les hommes. D’autres variables démographiques, comme le canton d’obtention de la maturité ou la région linguistique ne sont pas corrélés avec le taux d’abandons non plus.



Le choix de la maturité, prédicteur de l’abandon à l’EPFL

L’accès à l’EPFL est garanti à toutes les étudiantes et étudiants avec une maturité gymnasiale suisse. Ces étudiantes et étudiants choisissent librement leur discipline d’études à l’EPFL sans exigences préalables. Cependant, 70 % des entrées en première année ont une maturité gymnasiale avec une orientation en sciences exactes ou naturelles – Option Spécifique (OS) physique et application des mathématiques (PAM) ou Option Spécifique (OS) Biologie et Chimie. Parfois les élèves ont aussi le choix entre deux niveaux de mathématiques : standard ou renforcé, mais pas toujours. Par exemple l’OS PAM implique forcément un niveau de maths renforcé.



Le niveau de mathématiques est le facteur qui prédit le mieux un abandon. Le taux d’abandons parmi les étudiantes et étudiants avec une maturité gymnasiale avec une OS PAM – ce qui implique un niveau de mathématiques renforcé – est de 9%. Les personnes ayant une maturité avec OS en Biologie Chimie et un niveau renforcé de maths ont un taux d’abandon de 15%, alors que le niveau standard donne lieu à un taux d’abandon de 30%.



L’évolution des abandons

Depuis 2016, l’EPFL offre un cours de rattrapage en mathématiques et physique, la « mise à niveau » (MAN). Ce cours a lieu durant le deuxième semestre de la première année. Après l’introduction de la MAN en 2016 le taux d’abandons du cycle propédeutique a diminué  de 26% à 17%.

La MAN a pour objectif de mettre à niveau les connaissances et les aptitudes en mathématiques et en physique. Elle a également un effet indirect sur l’efficacité du système, même si elle n’a pas été conçue à cet effet. Après l’introduction de la MAN, 91% des abandons ont lieu lors de la première immatriculation. La MAN a ainsi permis une réorientation de filière bachelor plus rapide et les abandons lors de la deuxième immatriculation au cycle propédeutique ont diminué de 44% à 8%.



Réorientation plutôt que abandon

La flexibilité du système de formation tertiaire suisse facilite les transitions de filière aux étudiantes et étudiants possédant une maturité suisse. En effet, huit ans après leur début d’études à l’EPFL en filière Bachelor, 89% des étudiantes et étudiants ont obtenu un diplôme dans une haute école suisse, 3% sont toujours en formation et 8% ont abandonné le système de formation des hautes écoles suisse sans diplôme. Parmi les personnes diplômées, 58% ont un diplôme à l’EPFL, 16% dans une autre haute école universitaire (HEU); 14% dans une haute école spécialisée (HES)  et 1% dans une haute école pédagogique (HEP).



Suite à une sortie de l’EPFL après la première année d’études, la  réorientation après vers une autre haute école est la règle. Les établissements choisis sont très diversifiés. La majorité des personnes qui quittent l’EPFL continuent leur formation dans une HEU, environ un tiers se redirige vers une HES et très peu vers une HEP (cohortes 2012-2019).

Le changement d’institution est souvent accompagné d’une transition vers une autre discipline. Environ 70% des étudiantes et étudiants se forment dans une branche d’études différente que celle choisie au début du parcours universitaire à l’EPFL. Près de 40% s’orientent vers une discipline non présente à l’EPFL.


Parcours de formation suite à un abandon/échec en première année à l’EPFL. A noter que ce graphique ne prend en compte que les étudiants ayant interrompu leur formation de Bachelor à l’EPFL. La première colonne (à gauche) montre la répartition selon les branches d’études à l’EPFL. La deuxième colonne (centre) les institutions de formations choisies. La troisième colonne (à droite) le choix de branche d’études dans la nouvelle institution. Parcours agrégé pour les cohortes 2012 à 2019 pour les personnes débutant à l’EPFL avec une formation antérieure suisse.

Conclusion

Le nombre d’étudiantes et d’étudiants abandonnant leurs études lors de leur première année à l’EPFL est en baisse ces dernières années. Il a passé de 29% parmi celles et ceux ayant commencé leurs études en 2013 à moins de 15% pour la cohorte de 2021. 

L’EPFL a en effet introduit plusieurs mesures en faveur d’une réussite et d’une meilleure orientation: l’introduction de la Mise à Niveau (MAN), le cours de mathématiques spéciales (CMS), le cours en ligne Warm-Up MOOC, l’appui logistique et financier à la semaine de préparation Students4Students, les outils d’orientation ou les programmes de mentorat ciblées aux groupes à risque d’abandon. L’EPFL va continuer à monitorer la situation, en particulier l’adéquation de son offre de cours et de soutien avec les besoins et les aspirations de ses futurs étudiants.

Il est aussi réjouissant d’observer que la très grande majorité des jeunes qui débutent leurs études à l’EPFL obtiennent un diplôme d’une des hautes écoles en Suisse; Seuls 8% d’entre eux n’obtiennent pas de diplôme tertiaire en suisse huit ans après le début de leurs études. C’est un signe que la flexibilité, la coordination et la diversité du système de formation tertiaire permet de réduire fortement le nombre de personnes sans diplômes. 


Data:

Nous avons à notre disposition deux jeux de données, avec une saisie par étudiant et par année. Tous les calculs et transformations de données (et les erreurs qui en découlent) ont été effectués par les auteurs.
  • Données internes (statistiques de formation – ACAD): étudiantes et étudiants en première année et résultat selon définitions de l’EPFL. Données disponibles depuis 2012-13 et jusqu’à 2022-23. Les données internes sont agrégées par cohorte. Les étudiants avec plusieurs essais du cycle propédeutique sont assignés leur résultat final. La possibilité de réussir la première année sur deux tentatives porte à l’exclusion de la cohorte 2022 des analyses.
  • Données externes OFS-LABB: Données longitudinales de suivi parcours de formation en Suisse. Les analyses longitudinales résultent du couplage, de l’harmonisation et d’un traitement longitudinal de sources de données relatives au système de formation. La période de couverture des données commence autour de 2012 (qualité décroissante pour les données plus anciennes) et se termine en 2020. Les données de l’OFS-LABB n’informent de la raison des transitions dans les parcours de formation. Nous identifions les sorties de l’EPFL avec une règle heuristique, basée sur la norme stricte sur le nombre d’essais maximales du cycle propédeutique.

Definitions:

*La première année d’un bachelor à l’EPFL comprend un ensemble de matières communes à toutes les disciplines d’études et il est obligatoire pour tous le corps estudiantin. La première année, aussi connue comme cycle propédeutique, doit être terminée dans les deux ans qui suivent le début des études à l’EPFL. C’est pendant ce cycle propédeutique que la majorité des abandons ont lieu. Une étudiante ou étudiant en abandon est une personne n’ayant pas participé aux examens et qui est exmatriculée.


Novembre 2023

Omar Ballester, Tristan Maillard, Sarah Gerster