La mixité sociale à l’EPFL

L’origine sociale d’une personne, soit le niveau de formation de ses parents, ne devrait pas influencer son accès à la formation. Or, la proportion de jeunes issus de familles dont les parents ne sont pas titulaires d’un diplôme d’une haute école diminue au fil du parcours de formation de l’école obligatoire aux études universitaires [données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS): LABB et SSEE].

Parcours de formation de l’école obligatoire aux hautes écoles universitaires

Dans le parcours de formation, une première sélection peut avoir lieu à la fin de l’école obligatoire. A cette étape, l’évolution de la mixité sociale est faible; les différents milieux sociaux parmi celles et ceux qui choisissent une voie avec des exigences étendues sont bien représentés.

L’évolution la plus importante de la mixité sociale dans le parcours de formation standard menant aux hautes écoles universitaires se fait à la fin de l’école obligatoire, lors de l’entrée au gymnase. Si en fin de cursus de l’école obligatoire, 73% des élèves proviennent de familles sans parent titulaire d’un diplôme d’une haute école, ce pourcentage diminue de façon significative lors du passage au gymnase pour atteindre 52% parmi celles et ceux qui obtiennent une maturité gymnasiale.



Glossaire pour les graphiques :

École obligatoire : pas de titre d’une formation post-obligatoire

Degré secondaire II: professionnel : formation professionnelle initiale, typiquement CFC ou AFP

Degré secondaire II: général : maturité (gymnasiale, professionnelle et spécialisée), école de culture générale, brevet d’enseignement

Formation prof. supérieure : titre d’une formation professionnelle supérieure, typiquement examen fédéral, école supérieure ou école technique

Haute école : titre (bachelor, master, diplôme, licence) obtenu dans une haute école (universitaire, spécialisées ou pédagogique)

 

Au sein même du gymnase, la représentation des différents milieux sociaux diffère selon l’option spécifique choisie. L’érosion de la diversité sociale est encore plus marquée dans certaines filières scientifiques; seulement 43% des personnes obtenant une maturité avec option spécifique physique et application des mathématiques (PAM) proviennent de familles dont les parents ne sont pas titulaires d’un diplôme d’une haute école [communication personnelle du LABB].



Mixité sociale dans les hautes écoles

Or, une grande partie du corps estudiantin de l’EPFL est issu d’une option spécifique PAM. La représentation des différents milieux sociaux à l’EPFL est donc affectée par cette érosion. Lors de la dernière enquête SSEE de l’OFS en 2020, 27% de nos étudiantes et étudiants étaient issus d’une famille sans parent titulaire d’un diplôme d’une haute école. Cette proportion est plus basse que les autres hautes écoles suisses. En moyenne, ce pourcentage se situe à 48% du corps estudiantin des universités. Pour les HES et les HEP, cela concerne 64%, respectivement 67% du corps estudiantin.



Comment expliquer cette différence ? Les spécificités démographiques du corps estudiantin de l’EPFL n’ont qu’un impact limité. Ni le genre ni l’origine géographique ne peuvent expliquer entièrement la moindre mixité sociale à l’EPFL par rapport aux autres hautes écoles. 

La croissance du nombre d’étudiantes et d’étudiants étrangers à l’EPFL ne semble pas non plus avoir une forte influence sur la composition sociale de notre corps estudiantin. En effet, parmi les personnes étudiant à l’EPFL et qui ont fait leur formation antérieure en Suisse, 32% proviennent de familles sans parent titulaire d’un diplôme d’une haute école. Cette proportion reste à 48%, en moyenne, pour les hautes écoles universitaires. La différence entre l’EPFL et les autres hautes écoles perdure également si on ne considère, dans chaque haute école, que les branches MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique) enseignées à l’EPFL.



La proportion des jeunes faisant une maturité diffère entre les régions du pays. Cependant, leur origine géographique ne permet pas d’expliquer le décalage observé. Parmi toutes les personnes de Suisse romande en formation dans une haute école, 53% proviennent de familles sans parents titulaires d’un diplôme d’une haute école. Cette proportion est de 57% pour les étudiantes et étudiants venant du Tessin ou de Suisse alémanique. Dans le rapport, la question du genre a également été analysée, car dans les disciplines enseignées à l’EPFL, le corps estudiantin est composé en majorité d’hommes. La représentation des différents milieux sociaux semble néanmoins similaire chez les étudiantes et les étudiants.

Evolution dans le temps

La vaste gamme de choix d’études et la perméabilité entre les différents parcours éducatifs (de la formation professionnelle à l’enseignement supérieur et vice-versa) ont permis une croissance importante de l’enseignement tertiaire [OFS]. En une génération, la mixité sociale au sein des hautes écoles a évolué plus rapidement que dans la population suisse en général.

Parmi la population correspondant aux parents des étudiantes et étudiants, la proportion avec une formation issue d’une haute école est passée de 13% en 2005 à 26% en 2020. Cette augmentation s’est principalement faite au détriment de la part des personnes avec une formation professionnelle initiale (CFC, AFP), qui a diminué de 48% en 2005 à 37% en 2020 [OFS].

Au sein de l’EPFL, le nombre d’étudiantes et d’étudiants avec une formation antérieure suisse a augmenté de plus de 20% de 2005 à 2020. On observe une baisse du nombre d’étudiantes et étudiants dont aucun parent n’est titulaire d’un diplôme d’une haute école. Cette évolution s’est faite principalement entre les années 2005 et 2013.



Comment changer cette situation?

Pour l’EPFL, il s’agit dorénavant d’intensifier le travail avec ses partenaires dans les établissements scolaires suisses, les offices d’orientation et les autorités afin de lever les éventuelles barrières qui empêcheraient des élèves passionnés de rejoindre des filières MINT à l’EPFL. Certaines mesures concrètes sont déjà en cours : des bourses d’excellence ont été lancées en 2022 et l’EPFL entend faire découvrir certaines infrastructures à un public plus large dès cet été. Comme projet pilote, nous prévoyons d’inviter des Maisons de quartier de la région lausannoise pour les faire bénéficier de « The SPOT », notre bâtiment dédié au prototypage mécanique et électronique, ou d’autres Discovery Learning Laboratories (DLL). Nous préparons aussi un sondage pour les élèves qui passeront leurs examens de maturité gymnasiale en 2023 afin de mieux comprendre quels facteurs influencent leur choix d’études. Un autre sondage est prévu pour le corps enseignant dans les lycées, gymnases ou collèges pour encore affiner notre compréhension.

Remarques :

Nota bene 1 : une personne est assignée à son niveau de formation le plus élevé. Une personne ayant un CFC et un bachelor, par exemple, figurera dans la catégorie Haute école.

Nota bene 2 : un couple (i.e. parents d’élève) est assigné à la formation la plus élevée des deux personnes.


Avril 2023

Sarah Gerster, Tristan Maillard, Omar Ballester