ThĂšses en cours

Explorer le potentiel de l’expĂ©rimentation pour accĂ©lĂ©rer la transition des mobilitĂ©s

Matthieu Gautrot – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. FrĂ©dĂ©ric Varone

Alors que le processus de planification en place aujourd’hui en Europe peinent Ă  adresser les enjeux sociĂ©taux (climatiques, sociaux, sanitaires) en lien avec la mobilitĂ©, de plus en plus de travaux pointent l’expĂ©rimentation comme un moyen de tester en pratique des moyens d’action, s’éloignant de la planification classique Ă  long terme des infrastructures de transport en proposant un cadre exploratoire plus agile.

Les real world labs ou living labs donnent un cadre Ă  l’expĂ©rimentation : ils sont dĂ©crits comme des espaces de recherche transdisciplinaire appliquĂ©e ayant pour objectif de transformer Ă  long terme certains aspects sociĂ©taux en s’appuyant sur une dĂ©marche scientifique et collective et en produisant des rĂ©sultats rĂ©plicables et transfĂ©rables. 

En profitant de plusieurs expĂ©riences menĂ©es par la Fondation Modus, Ɠuvrant pour la transition des mobilitĂ©s sur le Grand GenĂšve, nous proposons d’étudier dans cette thĂšse de doctorat le potentiel de trois expĂ©rimentations concrĂštes : la rĂ©compense de pratiques vertueuses de mobilitĂ© (gamification), la mise Ă  disposition d’offres alternatives contre la dĂ©motorisation temporaire, ou encore la gratuitĂ© des transports publics urbains pour un public cible. Des enquĂȘtes (quantitatives et qualitatives) auprĂšs des participants, des donnĂ©es de tracking GPS ou encore des entretiens auprĂšs des acteurs impliquĂ©s dans ces projets permettrons d’évaluer, Ă  l’aide d’une analyse multicritĂšre, tant les effets que la faisabilitĂ© de la pĂ©rennisation et l’extension de ces leviers d’action dans un second temps.

Ces recherches doivent finalement donner un cadre et des outils standardisés pour concevoir, implémenter, évaluer et accompagner les expérimentations visant à accélérer la transition des mobilités.


De s’abriter Ă  habiter : investir les interstices et faire communautĂ© sur une friche urbaine (provisoire)

StĂ©phane Huber – Dir. Luca Pattaroni & HĂ©lĂšne Martin (HETSL | HES-SO)

Par le geste d’une ethnographie participante, ce projet de thĂšse invite Ă  questionner l’expĂ©rience et la modalitĂ© pratiques que recouvre l’acte d’habiter pour des personnes dĂ©nuĂ©es de ressources, pour beaucoup sans-papiers et sans domicile fixe, et emprises dans des situations les empĂȘchant d’accĂ©der pleinement aux rĂ©seaux institutionnels et sociaux disponibles ordinairement pour le citoyen Ă  part entiĂšre. Plus prĂ©cisĂ©ment, cette enquĂȘte suit une expĂ©rimentation collective qui investit des formes crĂ©atives de partage et de solidaritĂ©, se dĂ©ployant au sein d’une friche urbaine lausannoise. Cette expĂ©rimentation questionne les contours pratiques du travail d’auto-administration et de maintien de soi fourni par le collectif et les implications de cette cohabitation entre des personnes qui font face Ă  diverses Ă©preuves du quotidien, en lien avec les usages qu’ils dĂ©ploient collectivement au sein de cet espace commun. L’enquĂȘte apprĂ©hende la ville comme un milieu de vie qui offre des espaces dont certains disposent d’une potentialitĂ© d’ĂȘtre investis en vue de s’y ressourcer et d’y rĂ©conforter certains usages, ils sont ainsi refigurĂ©s ainsi en des « lieux » appropriĂ©s et par-lĂ  significatifs pour les personnes concernĂ©es. En puisant dans une anthropologie du partage et dans l’approche de l’écologie humaine, cette enquĂȘte cherche Ă  rendre compte les interrelations entre l’agir pratique des individus et leur milieu de vie en tenant compte de leurs activitĂ©s ordinaires et quotidiennes. Plus gĂ©nĂ©ralement, cette enquĂȘte sonde la permĂ©abilitĂ© de l’espace urbain et administratif aux contributions citoyennes qui mettent au-devant un faire-ensemble et un vivre-ensemble qualifiĂ© par une certaine « dĂ©brouillardise » reposant sur l’ingĂ©niositĂ© collective afin de re-qualifier l’environnement et les prises qu’il fournit pour y amĂ©nager un espace de vie.


Home-made : anthropologie architecturale du travail basĂ© Ă  domicile en Suisse, Ă  l’époque postmoderne.

Capucine Legrand – Dir. Sophie Delhay & co-dir. Luca Pattaroni

AncrĂ©e dans l’anthropologie architecturale, la recherche vise Ă  Ă©tudier les effets – spatiaux et sociaux – du dĂ©veloppement des home-based businesses (HBBs) contemporains en Suisse.

Depuis les annĂ©es 2000, le travail Ă  domicile connaĂźt une forte progression, portĂ©e par le dĂ©veloppement des technologies de l’information et de la communication (TIC) et l’émergence de l’économie de plateforme. Ces transformations favorisent l’essor de nouvelles formes d’emploi: travailleurs indĂ©pendants, «faux indĂ©pendants» ubĂ©risĂ©s, tĂ©lĂ©travailleurs permanents – autant de profils regroupĂ©s sous la catĂ©gorie des travailleurs basĂ©s Ă  domicile, selon la dĂ©finition de l’Organisation internationale du travail (OIT) (les salariĂ©s qui ne tĂ©lĂ©travaillent qu’occasionnellement en sont exclus). En 2019, le Bureau international du Travail (BIT) estimait ainsi Ă  260 millions le nombre de travailleurs basĂ©s Ă  domicile dans le monde, dont une majoritĂ© de femmes. Face Ă  la prĂ©caritĂ© qui touche ces travailleurs, l’institution fixait alors un objectif clair pour les dĂ©cennies Ă  venir : passer du “travail invisible” au “travail dĂ©cent.”

En se focalisant sur le contexte Suisse – marquĂ© par une longue tradition de travail Ă  domicile dans les secteurs de l’horlogerie et du textile -, cette thĂšse examine les formes contemporaines de travail basĂ© Ă  domicile, dans toute leur diversitĂ©. Qu’il s’agisse de la marchandisation d’un hobby, d’une activitĂ© complĂ©mentaire Ă  un emploi salariĂ© (pluriactivitĂ©), d’une pratique informelle (travail marchand non dĂ©clarĂ©), d’une activitĂ© professionnelle Ă  part entiĂšre, ou encore d’une solution temporaire en attendant de trouver un local dĂ©dié ; le travail basĂ© Ă  domicile modifie nos perceptions du privĂ© et du public, du productif et du reproductif, du travail et du repos.  Il reconfigure les usages de l’habitat et les structures sociales du voisinage, menant Ă  l’émergence d’une « diffuse house » pour reprendre l’expression d’Anna Puigjaner. Cette notion questionne le modĂšle urbanistique existant de « ville productive » et en rĂ©vĂšle les limites. Elle montre que la production Ă©conomique contemporaine ne se cantonne plus aux espaces dĂ©diĂ©s du travail, mais s’infiltre dans la trame mĂȘme du quotidien domestique.

En s’appuyant sur des enquĂȘtes ethnographiques de terrain et des Ă©tudes de cas architecturales, la recherche explore les causes et les effets du dĂ©placement du travail vers la sphĂšre domestique. Si le travail Ă  domicile promet flexibilitĂ©, gain de temps, rĂ©duction des dĂ©placements pendulaires et meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ces avantages demeurent ambivalents. Ils s’accompagnent souvent de coĂ»ts importants pour les travailleurs : isolement professionnel, brouillage des temporalitĂ©s entre sphĂšres privĂ©e et professionnelle, pression spatiale accrue pour les mĂ©nages les plus prĂ©caires, renforcement des inĂ©galitĂ©s de genre et essor du travail informel.

Ces constats d’ordre sociologique ouvrent la voie Ă  une lecture typologique renouvelĂ©e du logement ans les villes contemporaines. La recherche met en lumiĂšre la tension entre assignation et dĂ©sassignation des espaces domestiques : tandis que la flexibilitĂ© postmoderne favorise la rĂ©versibilitĂ© des espaces et des usages, elle engendre aussi de nouvelles formes de prĂ©caritĂ© spatiale. Il s’agit alors d’interroger le caractĂšre typologiquement ambigu des habitats productifs contemporains – mĂȘlant espaces adaptables et espaces adaptĂ©s. 

Dans ce contexte, la maison tend Ă  devenir un lieu hybride, Ă  la fois intime et exposĂ©, oĂč s’entrelacent activitĂ©s productives, reproductives et relationnelles. Si cette hybridation tĂ©moigne d’une capacitĂ© d’adaptation aux mutations du travail, elle s’inscrit surtout dans une trajectoire nĂ©olibĂ©rale fondĂ©e sur l’individualisation, la flexibilisation et la privatisation du lieu de production. PlutĂŽt que d’encourager cette porositĂ© croissante entre vie professionnelle solitaire et vie domestique familiale, la recherche invite Ă  imaginer des formes spatiales et sociales alternatives pour une nouvelleĂ©conomie de voisinage. Ainsi, la recherche propose une critique du paradigme individualisant du travail Ă  domicile et ouvre la voie Ă  une rĂ©invention des liens entre travail, habitat et collectif. En plaçant la solidaritĂ©, la mixitĂ© des usages et la dimension commune de l’habiter au cƓur du projet architectural et urbain, elle esquisse les bases d’une ville plus inclusive, partagĂ©e et rĂ©siliente face aux transformations contemporaines du travail.


Flexibility as Capital: A Comparative Mixed-Methods Study of Remote Work

SofĂ­a GonzĂĄlez JimĂ©nez – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Guillaume Drevon

L’expansion rapide du tĂ©lĂ©travail depuis la pandĂ©mie de COVID-19 a remodelĂ© la maniĂšre dont le temps, l’espace et les activitĂ©s quotidiennes sont organisĂ©s. Bien que souvent saluĂ© comme un gain de flexibilitĂ©, ce changement a Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© des dynamiques inĂ©gales, notamment une division du travail genrĂ©e, une charge mentale accrue et des frontiĂšres floues entre le travail et la sphĂšre privĂ©e. Dans le cadre du projet WinWin4WorkLife Horizon, cette recherche adopte une approche mixte reposant sur des mĂ©thodes qualitatives afin de comprendre l’appropriation des modalitĂ©s de travail Ă  distance (RWA) dans diffĂ©rents contextes. L’analyse s’appuie sur des entretiens approfondis menĂ©s dans le cadre de cinq Ă©tudes de cas, tout en s’inspirant des conclusions tirĂ©es des donnĂ©es d’enquĂȘte et des carnets d’emploi du temps gĂ©nĂ©rĂ©s dans le cadre du projet plus large. Sur le plan conceptuel, le tĂ©lĂ©travail est abordĂ© comme une ressource, en examinant comment les individus et les mĂ©nages accĂšdent, mobilisent et s’approprient le tĂ©lĂ©travail pour rĂ©organiser d’autres dimensions de la vie quotidienne. En retraçant ces processus d’appropriation, l’Ă©tude comble les lacunes dans la comprĂ©hension des impacts socioculturels du tĂ©lĂ©travail, en accordant une attention particuliĂšre Ă  la satisfaction spatiale, Ă  la gestion du temps, aux pressions systĂ©miques et Ă  la reproduction des inĂ©galitĂ©s. Cette conception comparative qualitative met en Ă©vidence les diffĂ©rentes utilisations du tĂ©lĂ©travail dans cinq Ă©tudes de cas diffĂ©rentes en Europe (FI, GE, LUX, SL, PT), en rĂ©imaginant des environnements de travail Ă  distance durables qui favorisent le bien-ĂȘtre et des conditions de travail et de vie saines.


Mobilités Multiscalaires: vers une sociologie polytechnique du report modal

ClĂ©ment Rames – Dir. Vincent Kaufmann

Dans un monde frappĂ© de plein fouet par les eïŹ€ets du changement climatique, l’action climatique reste plus urgente que jamais. Le secteur des transports reprĂ©sente environ un cinquiĂšme des Ă©missions mondiales de gaz Ă  eïŹ€et de serre – ces Ă©missions ont doublĂ© depuis 1990 et quadruplĂ© depuis 1970 – remettant en question les discours sur le « dĂ©veloppement durable » et les « transition des mobilitĂ©s ». En eïŹ€et, le secteur des transports est extrĂȘmement complexe Ă  dĂ©carboner, car il est Ă©troitement liĂ© aux pratiques quotidiennes de mobilitĂ© de huit milliards d’ĂȘtres humains, ainsi qu’Ă  d’immenses infrastructures, Ă  des forces culturelles profondĂ©ment ancrĂ©es et Ă  des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques gigantesques.

La transition des mobilitĂ©s ne peut ĂȘtre envisagĂ©e ou comprise qu’Ă  travers une approche multiscalaire. Pourtant, la plupart des Ă©tudes sur la mobilitĂ© se sont jusqu’Ă  prĂ©sent concentrĂ©es sur l’une des Ă©chelles suivantes: micro – l’Ă©chelle de l’individu et de ses pratiques sociales – mĂ©so – l’Ă©chelle du territoire, du quartier, de la ville, du pays – ou macro – l’Ă©chelle globale, celle du systĂšme. Cette thĂšse fait Ă©cho Ă  l’appel de Braudel Ă  intĂ©grer l’espace dans la sociologie, le temps dans la gĂ©ographie et les sciences sociales dans les mathĂ©matiques et les statistiques.

Pour ce faire, elle dĂ©finit un cadre conceptuel simple articulĂ© autour de trois dimensions : le temps, l’espace et le changement social. Trois questions de recherche structurent cette thĂšse :

  • Q1: Comment les facteurs sociaux et spatiaux influencent-ils les pratiques de mobilitĂ© ?
  • Q2 : Quelles « transitions de mobilitĂ© » peut-on observer Ă  l’Ă©chelle locale et mondiale ?
  • Q3 : Comment activer la transformation au sein du systĂšme complexe de la mobilitĂ© ?

Les diïŹ€Ă©rentes publications appliqueront le cadre conceptuel ci-dessus Ă  l’Ă©tude des pratiques de mobilitĂ© en transition. Face Ă  l’urgence climatique mondiale, ce cadre permet de tracer des voies prospectives et des leviers d’action vers la dĂ©carbonation de la mobilitĂ©, tout en tenant compte des pratiques sociales, des caractĂ©ristiques locales et de la dynamique des systĂšmes.


Acceptabilité sociale et changement dans les politiques publiques : la décarbonation des transports à GenÚve et au Luxembourg

Lucie PalanchĂ© – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Guillaume Drevon

Le transport est un secteur qui joue un rĂŽle majeur dans l’augmentation de notre empreinte carbone, l’enjeu politique est alors de rendre possibles et dĂ©sirables des modes de transport dĂ©carbonĂ©s. Cette thĂšse s’intĂ©resse Ă  l’acceptabilitĂ© sociale du changement dans nos pratiques de dĂ©placement et Ă  la transformation des politiques de transport, dans un contexte de crise climatique. L’intĂ©rĂȘt de la thĂšse repose sur l’Ă©tude de l’acceptabilitĂ© sociale et du changement dans les politiques de transport en relation avec le contexte politique et institutionnel, afin de prendre en compte les dimensions matĂ©rielles, mais Ă©galement juridiques, sociales et politiques du changement. Nous nous intĂ©resserons Ă  la maniĂšre dont l’acceptabilitĂ© sociale interagit avec diffĂ©rents Ă©lĂ©ments du contexte politique et institutionnel (modĂšle politique, politiques publiques, lois et rĂšglements en place, actions collectives, etc.) dans le changement ou l’inertie des politiques de transport. Nous reviendrons sur les facteurs qui ont un impact positif sur l’acceptabilitĂ© sociale dans un contexte spĂ©cifique. Pour y parvenir, la thĂšse repose sur la comparaison entre deux rĂ©gions, le Luxembourg et le Canton de GenĂšve, qui se distinguent par leur modĂšle politique ainsi que par le cadre infrastructurel et politique des transports. Cette thĂšse s’inscrit dans le cadre du projet TRANSITER, menĂ© au Luxembourg, qui nous permet de tester des mĂ©thodes innovantes, comme le
dĂ©veloppement d’une application smartphone afin de recueillir les opinions d’un Ă©ventail le plus large possible de citoyens. L’enquĂȘte quantitative sera complĂ©tĂ©e par l’emploi de mĂ©thodes qualitatives, notamment la rĂ©alisation d’entretiens auprĂšs de diffĂ©rents acteurs de la politique des transports. Face au dĂ©fi de la dĂ©carbonation des transports, les rĂ©sultats de cette Ă©tude offriront des pistes d’actions aux dĂ©cideurs publics pour mettre en Ɠuvre une transition Ă  la fois juste et dĂ©mocratique.


Vers un indicateur d’accessibilitĂ© prenant en compte la qualitĂ© individuelle du temps de trajet

Jules Grandvillemin – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Samuel Carpentier-Postel

La littĂ©rature sur l’accessibilitĂ© exprime souvent l’effort que les individus doivent fournir pour atteindre une destination en termes de rationalitĂ© instrumentale, Ă  savoir le moins cher et le plus rapide. De ce point de vue, la qualitĂ© du temps perçu lors d’un voyage, par opposition Ă  sa dĂ©sutilitĂ© prĂ©sumĂ©e, doit faire l’objet de recherches plus approfondies. Ce travail vise Ă  mieux la comprendre afin de permettre l’intĂ©gration de raisons plus subjectives pour les facteurs d’entrave dans les mesures d’accessibilitĂ©. Pour ce faire, l’Ă©tude utilise une approche analytique qui considĂšre les interrelations entre trois concepts clĂ©s (accessibilitĂ©, motilitĂ© et rythme) Ă  travers le prisme de deux niveaux d’analyse : (1) les structures socio-spatiales (2) et les individus. En outre, trois conclusions Ă©tablies constituent la base du projet : (i) Les indicateurs d’accessibilitĂ© doivent intĂ©grer la logique de l’action, plus en phase avec les subjectivitĂ©s individuelles, en intĂ©grant les capacitĂ©s des personnes Ă  se dĂ©placer, ce qui pourrait Ă©galement donner un aperçu de leur capacitĂ© Ă  gĂ©rer les contraintes de temps lorsqu’elles sont mobiles ; (ii) La nĂ©cessitĂ© de considĂ©rer les aspirations rythmiques des individus Ă  travers le prisme des projets de mobilitĂ© (une des trois caractĂ©ristiques de la motilitĂ©) dans toute leur diversitĂ© et de dĂ©terminer les empreintes carbone associĂ©es ; (iii) La notion de qualitĂ© du temps doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e Ă  travers le prisme des compĂ©tences des individus (une autre caractĂ©ristique de la motilitĂ©) pour discerner les conditions optimales de leur mobilitĂ© et si cela contribue Ă  leur bien-ĂȘtre. Pour analyser ces rĂ©sultats, nous nous appuierons principalement sur des mĂ©thodes mixtes pour comprendre ce qui fait la qualitĂ© du temps dans la mobilitĂ©. Une approche plus quantitative permettra de dĂ©velopper un indicateur d’accessibilitĂ©, qui intĂ©grera la motilitĂ© et la qualitĂ© du temps sous la forme de pondĂ©rations dans les facteurs d’impĂ©dance pour relativiser l’effort associĂ© aux variables temporelles telles que la durĂ©e du temps de dĂ©placement. Les rĂ©sultats de cette Ă©tude fourniront des indications prĂ©cieuses sur l’intĂ©gration des subjectivitĂ©s individuelles dans un indicateur d’accessibilitĂ©, qui peut ĂȘtre utilisĂ© comme outil d’aide Ă  la dĂ©cision pour soutenir les mesures publiques au niveau des structures socio-spatiales qui pourraient promouvoir une accessibilitĂ© territoriale plus Ă©quitable sur le plan social et plus durable sur le plan Ă©cologique. L’outil dĂ©veloppĂ© Ă  l’issue de cette recherche peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour aider les individus Ă  prendre en compte les critĂšres qui facilitent la qualitĂ© du temps dans leur mobilitĂ© tout en amĂ©liorant leur aptitude Ă  atteindre les destinations souhaitĂ©es.


Le sentiment d’insĂ©curitĂ© comme facteur d’exclusion de l’espace public nocturne

ChloĂ© Montavon – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Sandra Mallet

La thĂšse porte sur le sentiment d’insĂ©curitĂ© dans la ville, particuliĂšrement la nuit, en tant que phĂ©nomĂšne social. Elle s’appuie sur une dĂ©marche descriptive et comprĂ©hensive, prenant respectivement en considĂ©ration les sens communs, mais Ă©galement les dimensions matĂ©rielle et expĂ©rientielle de l’urbain. Ce projet est né de deux constats Ă©tablis : (1) des processus d’exclusion se jouent dans l’espace public de nuit et sont communĂ©ment associĂ©s à l’insĂ©curitĂ© que peuvent ressentir certains groupes sociaux lorsqu’ils le frĂ©quentent ; et (2) seules certaines insĂ©curitĂ©s font l’objet de rĂ©flexions publiques pour garantir un espace sĂ»r, des arbitrages politiques sont donc effectuĂ©s pouvant affecter certaines minoritĂ©s sociales. Pour observer ces constats, nous nous intĂ©resserons aux conditions d’activation du sentiment d’insĂ©curitĂ© et des rĂ©ponses Ă  celui-ci. Nous porterons une attention particuliĂšre Ă  la temporalitĂ© des situations, notamment Ă  la nuit, celle-ci Ă©tant une scĂšne propice Ă  la mise en Ă©vidence d’inĂ©galitĂ©s entre les groupes sociaux. Pour rĂ©aliser cette enquĂȘte, nous nous appuierons sur une mĂ©thodologie aussi bien quantitative que qualitative, afin d’apprĂ©hender la thĂ©matique aux croisements de ses dimensions matĂ©rielles et expĂ©rientielles. Les rĂ©sultats de cette recherche contribueront à Ă©clairer la dimension sociale de l’espace public afin de soutenir des mesures publiques pour une ville plus inclusive.


Dépendance à la mobilité dans les régions rurales-urbaines : le cas de Creil et la Roche-sur-Foron

Maya El Khawand – Dir. Caroline Gallez (LVMT, UniversitĂ© Gustave Eiffel) & co-dir. Vincent Kaufmann 

Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, l’amĂ©lioration des conditions de dĂ©placement a entraĂźnĂ© des transformations socio-spatiales, notamment l’Ă©talement urbain et l’augmentation des distances entre les logements et les lieux de travail. Ces changements spatiaux ont entraĂźnĂ© d’importantes inĂ©galitĂ©s sociales, telles que l’accĂšs limitĂ© aux modes de dĂ©placement rapide, qui dĂ©pend fortement de caractĂ©ristiques personnelles telles que l’Ăąge, le revenu, le sexe, etc. (Geurs, Van Wee, 2014) ou Ă  des lieux de rĂ©sidence dotĂ©s de bonnes commoditĂ©s ou de services de transport public efficaces. Ces deux transformations spatiales des zones urbanisĂ©es et la valorisation sociale de la mobilitĂ© ont entraĂźnĂ© un besoin accru de se dĂ©placer plus frĂ©quemment, parfois plus loin et plus vite (Kaufmann, 2008). Ce processus de ” dĂ©pendance Ă  la mobilitĂ© ” se traduit par deux formes de prĂ©judices pour les groupes sociaux prĂ©caires : un manque d’accessibilitĂ© pour ceux qui n’ont pas accĂšs Ă  la mobilitĂ©, ou des coĂ»ts financiers importants, des dĂ©placements difficiles et plus longs pour les personnes mobiles mais fortement contraintes dans leurs dĂ©placements (Fol, Gallez, 2017). 

Dans les annĂ©es 1990, pour contrer les effets de la dĂ©pendance Ă  la voiture et de l’Ă©talement urbain, Peter Calthrope a dĂ©veloppĂ© la doctrine du ” Transit Oriented Development ” (TOD). Alors que ce modĂšle est principalement appliquĂ© dans les zones urbaines denses, le projet europĂ©en TOD IS RUR, dont cette recherche fait partie, s’intĂ©resse Ă  la maniĂšre dont ce modĂšle de dĂ©veloppement pourrait ĂȘtre Ă©tendu aux zones faiblement urbanisĂ©es. Dans cette thĂšse, nous nous intĂ©ressons Ă  la capacitĂ© d’un modĂšle ferroviaire Ă  modĂ©rer la dĂ©pendance Ă  la mobilitĂ© dans les zones pĂ©riurbaines et rurales, notamment pour les personnes Ă  revenus modestes et en particulier les femmes. 

Cette thĂšse est basĂ©e sur une comparaison entre deux Ă©tudes de cas : Creil, une commune situĂ©e aux limites extĂ©rieures de l’Ile de France. Elle est fortement dĂ©pendante de la mĂ©tropole, ce qui se traduit par un taux Ă©levĂ© de dĂ©placements quotidiens. La seconde Ă©tude de cas est la petite ville de “La Roche-sur-Foron”, situĂ©e dans la pĂ©riphĂ©rie française de la mĂ©tropole de GenĂšve et desservie par le nouveau chemin de fer LĂ©man Express, l’infrastructure transfrontaliĂšre franco-suisse.