René Burri, Michael P. Fritz, Charles-Henri Favrod & Hans-Michael Koetzle

« Ah ! vous êtes là » : René Burri et Le Corbusier
Avec la participation de
René Burri
Photographe, membre de l’agence Magnum
Michael P. Fritz
Historien de l’art, professeur à l’EIF, chargé de cours à l’EPFL
Charles-Henri Favrod
Historien de la photographie, vice-président du Musée d’Histoire de la Photographie Fratelli Alinari, Florence
Hans-Michael Koetzle
Ecrivain, critique photographique et rédacteur en chef de Leica World

Mardi 20 avril 2004 à 18h – Auditoire SG1


L’exposition « photographie et architecture : la collection Alberto Sartoris » organisée il y a quelques mois par les archives de la construction moderne de l’EPFL, nous a révélé un aspect jusque là peu connu de l’histoire de l’architecture du XXe siècle : les mécanismes des fabrications et de diffusion de l’image de l’architecture moderne. On savait que Le Corbusier en était un des artisans dès le début des années 20. : En photographe amateur, il se servit de ses clichés, d’une part pour alimenter ses répertoires iconographiques et d’autre part pour illustrer certains de ses écrits théoriques.Là, il n’hésita pas à manipuler ses images pour étayer un discours souvent polémique.Ce n’est donc pas pour nous surprendre si e grand architecte, véritable machine à communiquer, fut plutôt méfiant à l’égard des journalistes et des photographes reporters.

René Burri, membre associé de la prestigieuse agence de photographies Magnum, ne fit pas exception. En 1955/56 lors d’une de leurs premières rencontres, il semble que Burri ait provoqué l’agacement de l’architecte avec ses narrations en plusieurs images, peuplées de gens les plus divers. En effet, ces histoires déconcertaient par rapport aux conventions esthétiques mises en place pour la médiatisation du progrès en architecture. Au vu de son travail, le maître alla jusqu’à se demander si le jeune photographe ne se moquait pas de lui.

Il ne fallut pourtant que très peu de temps à Le Corbusier pour réaliser la force de ces images, preuve de son intelligence par rapport à ce médium. En effet, les narrations visuelles de Burri, d’une vitalité toujours foisonnante, témoignent non seulement de l’engagement spirituel esthétique et social de son auteur, mais rendent aussi hommage à l’esprit visionnaire de l’architecte.On ne peut douter que Le Corbusier comprit – alors que la photographie était encore loin d’être reconnue – qu’il se trouvait en face d’un grand maître en devenir de la photographie du XXe siècle. La preuve en est qu’il réclama ses services à plusieurs reprises, lui laissant une liberté d’expression totale.

A la fin de sa vie, Le Corbusier qui avait l’habitude de garder un contrôle quasi absolu sur les messages qu’il voulait transmettre, avait ainsi reçu une leçon importante de René Burri : la représentation de l’essence spirituelle de ses oeuvres n’était pas compatible avec la présence de la vie qui allaient prendre ou avaient pris possession des lieux imaginés par lui.

Cette leçon peut encore servir aux générations actuelles et futures d’architectes, trop souvent otages d’un esthétisme aseptisé et aride dans la représentation de leurs créations.