Un livre – une exposition
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Parmi les abondantes ressources du fonds Alberto Sartoris conservé aux Archives de la construction moderne, la collection de revues d’art et d’architecture constitue un ensemble capital. Son secteur le plus spectaculaire, exceptionnel à l’échelle suisse et internationale, est celui des «revues d’avant-garde» des années 1920 et 1930 ou, plus largement, liées au Mouvement moderne, que cette exposition et le livre qui lui est associé donnent à voir. Ce dernier est publié aux PPUR dans la nouvelle collection Archimages qui se propose de faire découvrir la richesse des fonds des Archives de la construction moderne à travers des documents choisis pour leur intérêt historique et pour leurs qualités visuelles.
Ces revues sont souvent les supports d’une expérimentation visuelle foisonnante (typographie, construction de l’image). C’est cette dimension qui justifie d’abord la sélection exposée, composée de couvertures emblématiques de quelque 70 titres célèbres ou – le plus souvent – méconnus. Mais ces images témoignent également d’un processus caractéristique, où les programmes utopistes et totalisants de l’avant-garde historique s’abîment dans la Crise pour se subordonner aux réalités d’une «architecture moderne» en voie d’institutionnalisation.
Organes de groupes qui réunissent plasticiens, architectes et poètes, ces objets symboliques échangent et véhiculent programmes et manifestes, projets et reproductions, variantes d’un lexique plastique et conceptuel présumé universel. Leur programme met en cause la nature même des pratiques artistiques, au service du changement social : internationalisme et transdisciplinarité, primat du collectif sur l’individu, de la technique sur l’«art», économie maximale des moyens. D’où les titres militants et les options formelles des groupes, langages non-figuratifs issus du suprématisme russe et du néo-plasticisme hollandais, mâtinés de sources futuristes et dadaïstes (libération de l’image, de la lettre et du mot).
Leur itinéraire a mené la plupart des groupes avant-gardistes de la «surface» (le tableau) à une volonté d’investir l’«espace». C’est dire si l’architecture, conçue comme «condensateur social», devient vite le lieu d’intervention idéal mais pratiquement inaccessible aux plasticiens. En revanche, l’autorité de leurs partenaires architectes se renforce en même temps que progressent leur accès à la commande et l’organisation du milieu. En 1928, la fondation des CIAM (Congrès internationaux d’architecture moderne) en marque une étape symptomatique.
C’est dès lors aux nouveaux organes du mouvement architectural de prendre la relève. Les acquis de l’avant-garde historique, singulièrement visuels, y trouvent de nombreux usages. Mais la pluridisciplinarité le cède logiquement aux cloisonnements corporatifs, l’utopisme au pragmatisme, le radicalisme formel à des formules de compromis. Les années 1930 montreront ainsi la progression du Mouvement moderne sur tous les continents, puis sa banalisation.
Antoine Baudin, Invention, construction, communication. Revues d’avant-garde de la collection Alberto Sartoris, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2011 (coll. Archimages)
Exposition 11.11.2011-17.12.2011, lu-ve 8h-18h sa 14h-18h, EPFL bâtiment SG coursives du hall.
Pour davantage d’informations : [email protected] / +41 21 693 32 21
Quaderni di segnalazione. Periodico mensile fascista. Rome (1933-1936): n° 1, 1933. Rédaction Umberto Bernasconi, couverture Daniele Crespi (Archives de la construction moderne – EPFL, fonds A. Sartoris)