RECHERCHE

Vers une construction parfaite, du XVe au XXIe siècle Matériaux, structures, installations, principes théoriques

“Construction parfaite” est une définition qui apparaît dans les traités et les écrits d’architecture, surtout à partir du XVIIe siècle; mais sa signification n’est pas univoque. Cette définition va dessiner le cadre culturel des recherches promues par le Laboratoire de Théorie et d’Histoire 3.

Ces recherches se préoccupent des expériences théorique et pratique qui, dès le XVe siècle, ont contribué à définir deux idées de perfection, encore loin d’être antagonistes à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, quand pourtant commencent à se distinguer progressivement: d’une part, la perfection d’inspiration vitruvienne, qui tend à retrouver les règles d’une logique architecturale prétendue originelle, les théoriciens commençant à corriger des “abus”; d’autre part, celle qui émane de la Science nouvelle galiléenne et qui entend vérifier, par l’expérience et le calcul, la correspondance entre forme et matériaux.

Chacune de ces idées vise le même but de perfection.

La première, cependant, réaffirme et conserve l’image d’une logique architecturale soumise aux impératifs de la venustas, sans laquelle il est impossible de procéder sans commettre abus ou excès.

La seconde, en revanche, s’oriente avec courage, ou insouciance, vers une construction libérée des canons esthétiques.

La différence fondamentale entre ces deux idées réside dans la valeur attribuée aux matériaux: l’approche vitruvienne se fonde sur la croyance en des archétypes formels qui s’imposent indépendamment des caractéristiques des matériaux, affirmant dans le temps leur qualité à travers un processus de métamorphose (du bois à la pierre, au marbre, au métal).

La seconde s’appuie sur le principe, établi par l’expérience et le calcul, que tout matériau possède une nature statique et physique propre qui détermine la forme résistante.

Cette double nature de l’idée de construction parfaite ne sera pas comprise avant les XVIIIe et XIXe siècles, lorsqu’il ne sera plus possible de confondre les projets de Carlo Lodoli ou Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, empreints de théorie galiléenne, avec ceux de Marc-Antoine Laugier ou Gottfried Semper, de tradition vitruvienne.

Dans l’architecture contemporaine, le concept de construction parfaite, même si désormais rarement évoqué par les théoriciens et les critiques, évolue par rapport aux progrès des systèmes de structure et, surtout à partir de la moitié du XXe siècle, en fonction des inventions accomplies dans le secteur des installations.

Quelles sont les conceptions spatiales dérivées des formes structurelles différentes de celle canonique et très répandue de l’ossature mise au point au début du XXe siècle et célébrée avec le schéma de l’Ossature Domino de Le Corbusier?

Quelles sont les possibilités dans le dessein du plan des bâtiments introduites par les systèmes d’éclairage et d’aération artificiels?

Comment changent les hiérarchies spatiales traditionnelles avec l’introduction de systèmes mécaniques de circulation?

C’est sur le fond de ces interrogations, dont quelques-unes ont déjà été formulées avec lucidité par Sigfried Giedion et Reyner Banham, que la recherche aborde la question de l’architecture contemporaine dans une perspective qui vise à remettre au centre de ses propres intérêts le dilemme théorique énoncé il y a plusieurs siècles : De Architectura ou De Re Ædificatoria?