Paranoia Agent

Bande-annonce fan-made : https://youtu.be/-uYmKfteXig 

 

Ayaya :

Tu cherches un anime qui va te demander de réfléchir sans vraiment t’en rendre compte et qui sort de l’ordinaire ? Paranoia Agent est pour toi ! Mais attention, je ne te garantis pas que tu en ressortiras sain d’esprit ou satisfait… Aujourd’hui, PolyJapan vous propose du vieux pour retrouver un peu ses classiques !

Un scénario ou une animation exceptionnels d’une équipe soudée ne suffisent pas toujours à faire un nom à un anime, car on peut tendre vers des choses banales, vues et revues pour plaire au plus grand nombre. Il y a par contre des personnes uniques dans l’industrie qui, peu importe le collectif autour d’eux et les projets, auront toujours une pattes absolument hors du commun. Satoshi Kon fait partie de ces grands noms qui ont profondément marqué l’industrie avec un style unique, et il nous semblait évident de parler d’une de ses œuvres d’entrées.

Paranoia Agent est la première série dirigée par Satoshi Kon au milieu des années 2000. Elle a été produite par le studio Madhouse déjà bien implanté dans l’industrie à l’époque, ce qui n’a malheureusement pas empêché Paranoia Agent de très mal vieillir. Il fait partie de ces anime d’ancienne génération typique, avec ses graphismes des années 2000 peu colorés, ses effets de son parfois un peu bancaux et surtout une construction très inégale en raison des budgets des audiences parfois trop virevoltantes.

L’histoire nous plonge d’entrée dans un thriller policier mettant en avant une petite frappe d’un quartier qui s’en prend aux personnes fragiles à un moment précis de leur vie pour diverses raisons. Cette petite frappe, c’est Shonen Bat’ et il aura bientôt toute la police et toutes les femmes adeptes de potins à ses trousses. Cette enquête noire a l’air tout ce qu’il y a de plus normal dans les premiers épisodes mais ne vous laissez pas trop avoir par cette première idée. Satoshi Kon est un spécialiste des sujets surnaturels et Paranoia Agent n’a pas échappé à ses griffes. 

Nos personnages principaux apparaissent rapidement dans 3 rôles clefs – policiers, victimes ou assaillants – afin d’apporter les éléments nécessaires à la base de l’histoire. Ces protagonistes sont toujours très stéréotypés et représentent ce qu’il peut y avoir de pire dans la société humaine. Aucun d’eux (ou presque) n’est charismatique. Aucun d’eux ne mérite le rôle de héros. Aucun d’eux n’est sain d’esprit ou socialement acceptable. Ils ont des vies abominables qui en apparence ne rendraient personne jaloux : ils sont profondément dérangeants et malsains.

Mais il n’y a pas que les acteurs qui mettent mal à l’aise : le contexte entier de l’anime devrait rapidement vous poser des problèmes avec ses leçons et ses prises d’ecstasy assumées. Dès notre arrivée dans les épisodes un peu plus surnaturels, il faut prendre du recul et interpréter entre les lignes une quantité affolante de détails pour continuer à suivre l’intrigue qui donne l’impression (mais en apparence seulement) de partir dans tous les sens. Ce sera la clef de votre salvation si vous souhaitez résoudre le mystère avant nos policiers, mais attention à ne pas perdre votre santé mentale sur le chemin.

L’anime a très mal vieilli, mais le doublage d’une qualité exceptionnelle et les arrières-plan magnifiques méritent d’être mentionnés.

Je ne sais toujours pas si j’ai vraiment apprécié cet anime pour être honnête mais j’en ressors profondément troublée, et pour ça, l’anime a réussi son pari. Un deuxième visionnage du dernier épisode m’a permis de  prendre plus de recul et mieux apprécier sa fin quelque peu… déroutante ! Je suis sûre qu’un deuxième visionnage ne me sera que bénéfique pour mieux apprécier cette histoire qui pour le moment me laisse perplexe.

Paranoia Agent n’est pas pour tous les publics. Dérangeant, malsain et loufoque, il met en déroute plus d’une fois pour finir en apothéose. Parfait exemple du style de Satoshi Kon, il plaira pour sûr au fan du Directeur star.

Baptiste :

Le moyen le plus rapide d’échapper à la réalité, c’est la mort, ou la pop culture. Bienvenue dans Paranoia agent. 

L’anime commence par l’agression d’une jeune illustratrice par le “Shonen Bat”, un enfant en roller et casquette de baseball, qui frappe les gens avec sa batte en métal. Ensuite une enquête très étrange pour les personnages et pour le spectateurs va s’amorcer.

C’est un anime très différent des autres graphiquement, même pour 2004. Très film d’animation à l’ancienne, les personnages ont des gueules pas possible, les rendant particulièrement expressifs. L’animation est très bien, par contre la palette des couleurs reste très grisâtre, mais c’est un peu l’époque, ça. En parlant d’époque, l’histoire prend son temps et c’est bien. En fait, ça aurait pu être un film très fou, mais là, le concept est poussé à des extrémités incroyables grâce au temps donné par les 13 épisodes. Y’a même des épisodes “””fillers”””, qui ajoutent à l’ambiance paranoïaque et bizarre de l’oeuvre.

L’anime est une fièvre folle qui monte inlassablement, tout devient de plus en plus malsain et étrange, que ce soit les décors, les personnages ou le scénario : il faut s’accrocher mais ça en vaut vraiment le coup.

Bon, là c’est une petite interprétation facile de l’anime, avec du mild-spoiler donc à vos risques et périls : en fait cet anime est une auto-critique assez dure de la culture pop. Cette culture serait remplie de peluches comme pour nous dire que tout va bien, qu’il faut se reposer, que la réalité n’existe pas, que tout est beau est simple. Maromi est cette peluche. Les indices de la critique commencent dès le début avec un personnage atteint de Chuunibyou (lorsque qu’un personnage se prend pour un héros de fiction).

De l’autre côté Shonen Bat serait la voie simple de régler ses soucis, c’est-à-dire quitter littéralement la réalité. L’anime place les médias otaku et la mort à égalité. Bref, Paranoia Agent nous demande de garder la main serrée sur la réalité et de ne pas s’enfuir dans d’autres mondes, car cela ne réglera pas nos problèmes, tout comme la mort.

C’est l’interprétation facile parce que ça devient très évident au fil des épisodes, particulièrement à l’épisode 10 et la fin. 

Est-ce que cette critique est encore valide en 2021 ? Oui et non. Les waifu et tout autres concepts du genre montrent qu’on a encore du chemin à faire pour revenir à la réalité, mais c’est une critique un peu à l’ancienne du type : “dès que tu joues à un jeu vidéo, ça fait de toi un fou asocial”. Bref, il manque un entre-deux. La réalité c’est chiant, mais bon regarder un petit truc de temps en temps, on en a le droit. 

Brice :

Parmi le cercle très fermé des réalisateurs japonais de films d’animation, Satoshi Kon est peut-être celui au style le plus caractéristique. Ses créations visent un public plutôt adulte et sont parfois fort violentes, que l’on parle de violence physique ou mentale. Si vous avez déjà vu un film de Kon, comme Perfect Blue ou Paprika, vous reconnaîtrez immédiatement son style dans Paranoia Agent.

L’histoire commence pourtant tranquillement comme un thriller policier. Une jeune character designer, victime de la pression de son succès, se fait attaquer par un collégien en rollers avec une batte de baseball. C’est le début de la légende de Shonen Bat (littéralement “le garçon à la batte”), qui fera de nombreuses autres victimes. Dans les premiers épisodes, on suit les vies de ces futures victimes et on découvre que le lien entre chaque affaire est assez ténu, alors que l’anime se tourne de plus en plus vers le thriller psychologique, avant de tomber dans le surnaturel. Une drôle de balade donc, difficile à résumer sans spoiler, mais qui rappelle énormément les films de Kon. On retrouve fréquemment les thèmes du rêve, de la mort, du burn-out à travers des personnages débordant de réalisme, des thèmes là encore chers à Satoshi Kon. Et surtout, un univers avec une frontière étrange et perméable entre rêve et réalité, où la logique ne mène souvent pas bien loin.

Chaque épisode introduit donc un nouveau personnage que l’on suit à travers sa lente descente dans l’une des spirales infernales de la vie. Cela passe de problèmes communs comme le harcèlement scolaire jusqu’à des cas plus rares comme un cas de double personnalité, en passant par un policier corrompu par la mafia locale. Ces protagonistes sont bien loin d’être des héros et certains sont même pourris jusqu’à la moelle. Il ne semble pas y avoir d’issue à leurs problèmes et alors qu’ils semblent au fond du trou, Shonen Bat arrive pour les “libérer”. Cela est parfois un peu frustrant, car on aimerait bien connaître l’histoire du personnage par la suite, mais on n’en obtient que des bribes. Vers le milieu de l’anime, beaucoup d’affaires non directement liées à l’enquête principale prennent place et on a l’impression de se retrouver face à des épisodes fillers. Bien que ces épisodes ne servent pas beaucoup le scénario, certains sont vraiment excellents, en particulier l’épisode 8. Dans les deux derniers épisodes, les différents mystères sont enfin résolus d’une façon plus ou moins satisfaisante, pour une fin en demi-teinte.

On pourrait penser que l’ambiance est assez sombre et pesante, mais c’est rarement le cas grâce à quelques personnages loufoques et à un humour bien dosé. Cet anime traite toutefois de sujets sérieux, mais avec beaucoup de bienveillance. Les couleurs sont assez sombres et réalistes, et l’animation de qualité.

Pour résumer, Paranoia Agent est un bon anime qui ne plaira toutefois pas à tout le monde. Les univers créés par Kon sont étranges, dénués de logique et il faut pouvoir accepter cela pour apprécier pleinement l’œuvre. La quasi totalité des épisodes est de qualité, mais ce sont parfois les liens entre eux et le manque de conclusions qui viennent noircir un tableau pourtant fort joli autrement.